mardi 27 juin 2017

Il paraît, ça à l'air, j'ai ouï-dire...


Était-ce une rumeur, un malentendu ou un quiproquo?
Eh bien non! c'était bel et bien vrai. Mes derniers jours dans les Caraïbes ont été mouvementés.
Par contre, chacune des personnes impliqués l'a vécu de façon différente; selon son propre caractère et, bien sur, le degré d'implication dans l'événement.

En voici donc un résumé:
La sortie de notre voilier est prévue le jeudi 25 mai à 9h00, à la marina de Grenada Marine. C'est 5 miles à l'Est de la baie de Woburn (où se trouve Whisper Cove Marina).
Depuis déjà une semaine, j'analyse la météo et, plus les jours se rapprochent, plus la mauvaise météo se maintien soit: vent de 18 nds de 100°.
Comme à chaque année, Normand veut quitter la veille pour se rendre dans la baie «St David Harbour» et prendre une boule d'ancrage. Je lui répète régulièrement (pour moi ça veut dire au moins 10 fois par jour) qu'il serait préférable de remettre la sortie de l'eau à lundi le 29 mai. Il veut rien savoir (c'est un bélier, et je dis pas tête de cochon... quoique...). J'ai beau lui expliquer qu'avec un tel vent, ça pourrait nous prendre 6 heures pour se rendre (là j'exagère un peu, en espérant qu'il change d'idée). Il me répond qu'on a toute la journée pour s'y rendre. C'est certain, mais quel brasse camarade nous aurons!!!

Le matin du 24 mai, Normand se lève à 4h45 et moi à 5h10. Je veux quitter dès l'aube, mais Normand attend un peu plus de clarté. La veille, notre voilier à été installé le long du quai principal, prêt à quitter sans aide. Normand vérifie le niveau d'huile (pas la veille, mais le matin même...) et trouve un bout de fil, avec un fusible, sous le moteur. Il croit que c'est un des fils, près de l'alternateur, qui ne servait à rien et qui avait été débranché, il y a 2 ans, par le mécanicien.
On part le moteur à 5h30 et quittons après, avec l'aide de Carmelle et Yvon du voilier «Taïma».
À la sortie de la baie de Woburn, je me rend compte que ça va vraiment être «rock'n'roll». On a une bonne vague de 5-6 pieds (qui s'est formée depuis une bonne semaine) dans l'pif. Jusqu'à 7h15, à l'approche de «Pt du fort Jeudy», j'arrive difficilement à faire du 2 nds. Après cette pointe, je me rapproche de la côte afin d'être un peu à l'abri des vagues par les pointes de terre au loin; je fais environ 2,5 nds. C'est encourageant.
Juste après «Westerhall Pointe», vers 8h00, un gros BANG! Le moteur arrête, avec l'alarme, et la manette d'embrayage est coincée.
On ouvre le génois. La grande voile étant bloquée par les cordages pour l'installation de notre grande bâche anti-soleil, il est impossible de l'ouvrir, et il est hors de question que Normand monte sur le pont dans ces vagues (même s'il l'oubli parfois, il a quand même 73 ans). Par contre, je garde toujours le génois tant que le voilier n'est pas sur terre (ou dans un endroit sûr).
On fait demi-tour. Même si nous arrivions près de Grenada Marine, il est trop difficile de se battre contre cette grosse vague, et je ne suis pas certaine d'avoir de l'aide pour entrer dans la baie. Revenir dans Woburn, où Gilles de Whisper Cove et d'autres québécois y sont, me semblait une meilleur alternative. Normand va donc vérifier le «shaft», étant donné que ça donné un coup dans l'arbre d'hélice, avant l'arrêt du moteur. Tout est beau. Il ouvre la descente pour vérifier le moteur; il y a plein d'huile qui a éclaboussée le mur! On s'imagine donc un problème avec le moteur.

À 8h40, rendu à «Port Egmont Bay», Normand appelle Whisper Cove afin de les mettre au courant de notre situation, et demander s'il serait possible de nous envoyer quelqu'un avec l'annexe, afin de nous guider dans le chenal d'entrée. Je dois composer avec la vague, travers arrière tribord, qui me repousse vers le récif de l'entrée. J'ai aussi beaucoup de difficulté avec le gouvernail, la vague est-elle trop forte?
Je reçois un appel de Denis «Prana», qui viendra m'accueillir avec Jacques «Northbound» et Jean-Pierre (avec l'annexe de Whisper Cove). J'avance lentement dans le chenal d'entrée, mais comme la vague est très forte, les gars doivent attendre que je sois plus proche pour se mettre à mes côtés. Denis (un immense merci du fond du coeur) a pris charge du «sauvetage», en se mettant à mon bâbord, son annexe bien attachée. À mon tribord, c'est Jean-Pierre qui s'y est installé. Jacques faisait le guet, et attendait les ordres. Denis me dit: «regarde ce que tu traînes à l'arrière». Ce n'est qu'une fois en eau plus calme, que Normand et moi avons vu l'immense filet que nous traînions; environ 300 pieds... Ça explique pourquoi j'avais tant de difficulté avec la roue. Le filet doit bloquer un peu le safran, lorsque j'essaie de le tourner au maximum.
Avec une annexe de chaque côté du voilier (toujours à l'arrière lors d'un remorquage), qui me procurait une propulsion adéquate pour manoeuvrer un peu, je croyais que mes efforts étaient récompensés et que je reviendrais bientôt au quai de Whisper Cove... OH QUE NON!

Toujours avec un vent tribord arrière, l'annexe de Jean-Pierre, qui est en fibre de verre avec un double-fond d'air pour favoriser la flottaison, reçoit deux bonnes vagues à l'intérieur. Comme le bouchon du trou d'air est absent, l'annexe se remplie rapidement et Jean-Pierre ne réussit pas à la vider entre les vagues... Résultat? L'annexe coule lentement. On a juste le temps d'y attacher une défense, pour la localiser, avant qu'elle coule. Jean-Pierre, accroché au bord du voilier, est récupéré de justesse par Jacques. Une fois Jean-Pierre à bord, Jacques coince l'hélice de son annexe dans le filet, et après plusieurs manoeuvres, il réussit à déloger le filet. Sur l'entre-fait, Gilles (le propriétaire de la marina Whisper Cove) arrive avec une annexe empruntée, pour nous aider. Il demande à Denis de cesser de me donner de la propulsion, pour localiser son annexe sous l'eau. Un voilier sans propulsion et sans voile ça fait quoi? Et bien... ça monte au vent. Le voilier fait donc un 180°, pour se mettre nez au vent, et dans cette manoeuvre, l'immense filet, toujours derrière mon voilier, s'enroule dans l'annexe au fond de l'eau. (Je suis dans 40' d'eau).

À ce moment, je reçois des ordres contradictoires des gars: «On se rend à la marina» (Ben oui! en traînant 300' de filet et une annexe), «Non, on essai de s'approcher le plus possible et on verra» (On verra quoi?). Je crie alors à Normand de jeter l'ancre. Dans 40' d'eau, à 1000' de la marina, et enrubanné comme je le suis, on va prendre un «brake» et réfléchir à la suite. Ouf! une pause bien mérité. Je réhydrate les gars (une bouteille d'eau chacun), et Denis et Jacques en profite pour retourner à leur voilier refaire un plein d'essence. Gilles va à sa marina pour appeler les deux plongeurs qui travaillent pour lui, cette semaine là (belle coïncidence).

Jean-Pierre et Normand en profite pour remonter, sur le pont, le filet qui traînait à l'arrière (il faudrait quand même pas qu'un autre s'y accroche).

Ça donne ceci. N'oublions pas que j'en ai encore sous le voilier, dans l'arbre d'hélice, et autour de l'annexe au fond de l'eau. 

Après 30 minutes, les plongeurs arrivent avec Gilles, et Denis et Jacques sont aussi revenus, chacun dans leur annexe.
Les plongeurs vont inspecter le dessous du voilier, puis libère le filet dans l'arbre d'hélice. Ensuite, on décide de renflouer l'annexe de Gilles. On met d'abord notre annexe à l'eau, Denis se chargera de la ramener à la marina, et, avec notre «Davit», on remonte l'annexe du fond de l'eau.

Au début de la manoeuvre.

Lentement, les gars se relais pour la vider, puis enlever le filet qui est coincé dans le moteur hors-bord.

On voit bien, au centre de l'annexe, la quantité de filet qui était autour.
Denis ira aussi porter celle-ci à la marina.

Finalement, Denis à bâbord, Jacques à tribord, Normand qui s'occupe de relever l'ancre, Gilles sur le pont qui dirige, et moi à la roue, on se dirige vers la marina. Wow! Ça avance super bien. Je fais même du 4 nds sur le fond. On accoste le long du quai principal, le nez vers la marina, Carmelle et Yvon qui nous y attendent, à 12h15. Exactement 6 heures après notre départ.

Après l'inspection de l'arbre d'hélice, il n'y avait aucun dommage. C'est l'huile éclaboussée sur le mur qui nous inquiétait un peu. Le mécanicien, qui viendra samedi, nous expliquera qu'après la vérification de l'huile, le matin du départ, Normand a dû mal positionner la tige d'indicateur et, avec la pression exercée par le filet sur l'arbre d'hélice, cela a fait forcer le moteur, d'où la sortie de l'huile.

On se rendra finalement à la boule d'ancrage de Grenada Marine le dimanche 28 mai, pour être sorti de l'eau le lendemain, lundi le 29 mai.